L’apiculture est, pour beaucoup d’entre nous (je parle des amateurs bien entendu) une passion qui a des racines familiales : « mon grand-père a toujours eu des ruches et je retrouve les gestes que je lui ai vu faire » entend-on souvent ; parfois, c’est la satisfaction d’une curiosité d’enfant.
Pour ma part, dire que j’ai attendu la fin de mes activités professionnelles pour assouvir une passion qui m’avait toujours habité serait exagéré. Il s’est plutôt agi, au tout début d’une retraite où l’on imagine le temps disponible infini, d’une coïncidence qui faisait sens avec mon engagement pour l’environnement et le développement durable : le rucher-école du Jardin du Luxembourg était à deux pas du siège de l’association pour laquelle je venais d’accepter une fonction bénévole de quelques années et je l’ai découvert un peu par hasard, lors d’une promenade studieuse avec un de mes collègues, un beau jour d’été 2007 !
Me voilà donc inscrit aux cours de la SCA, que je suis assidûment de janvier à septembre 2008.
Découverte (redécouverte parfois, car j’aimais bien les « sciences-nat » au collège, près de 50 ans auparavant) des abeilles, des fleurs : ah ! les anthères, les stigmates, que c’était loin ! Mais cette fois, il y avait une vraie raison de se mettre ça dans la tête !
Toutefois, comme beaucoup de passions, l’apiculture n’a de sens que si on la pratique. Le diplôme de la SCA - très beau, avec les noms écrits à la plume, avec des pleins et des déliés comme on n’en fait plus ! - « en poche », comment allais-je poursuivre, pour éviter l’oubli total probable ?
Par bonheur, la SCA me propose de reprendre une ruche dont le précédent locataire venait de se dessaisir au rucher de perfectionnement de St-Cloud, autre rucher-école de l’Association. Ce rucher, assez proche de mon domicile, sert de « base-arrière » au rucher du Luxembourg, se consacre au travail sur des sélections de population, et accueille de « jeunes » diplômés qui souhaitent continuer à se faire la main.
Je passe sur l’intérêt de ce type de structure, très complémentaire aux cours du Luxembourg, où le côté collectif permet des échanges et des expériences variés, où la présence d’apiculteurs chevronnés permet d’avancer vite, en situation : une planche de vol, en quelque sorte, pour repérer un peu l’environnement et préparer son envol vers la création d’un rucher personnel !
L’occasion s’est présentée, à l’automne 2010, lors d’une rencontre de pépiniéristes et d’horticulteurs (à laquelle la SCA participait par un stand pédagogique), sous l’égide du Museum National d’Histoire Naturelle, dans l’Arboretum de Chevreloup, au nord du Domaine de Versailles. Un domaine de plus de 200 hectares, sans utilisation de pesticides, avec une grande variété d’essences d’arbres, des prairies fauchées une fois l’an seulement : le rêve, quoi !…
La convention signée début 2011, on passe très vite aux aspects pratiques : repérage et aménagement du terrain, orientation des futures ruches, lieu de stockage et choix du matériel.
Pour les ruches, la Dadant 10 cadres, avec laquelle j’ai « travaillé » jusqu’ici, restera mon choix ; le toit chalet me plaisait bien, ce serait plus en phase avec l’environnement, mais j’en resterai finalement au toit plat. Pour la protection du bois, pas de peinture aluminium, hésitation sur la lasure bio, un peu chère : ce sera l’huile de lin, chauffée, dans laquelle je laisserai tremper, pendant quelques après-midi de février et mars, chaque face externe de mes nouvelles ruches (en pin, tenons-mortaises) ; trois couches, à quelques semaines d’intervalle.
Les achats progressent (et le budget aussi, d’ailleurs !). Pour la miellerie, j’opte pour un bac désoperculateur plastique, mais je décide d’investir dans un maturateur Inox ; quant à l’extracteur, ce sera un radiaire 9 cadres, mais manuel (mon bras droit a un peu regretté ce dernier choix, je dois dire, après la première récolte !).
Début mars, tout est prêt : ruches, cadres préparés, hausses, petit outillage, et chaque futur emplacement a reçu sa base (une plaque de béton d’un m2 environ et 2 hauteurs de parpaings)
Fin mars, je mets en place les 3 essaims réservés à la SCA et remérés la saison précédente. La mise en ruche s’est faite quelques jours après, par une belle journée de printemps, chaud comme un jour d’été. Mes colonies n’y croyaient pas : bien sûr, on était le 1er avril 2011 !
La suite se passe de façon un peu plus sereine : de longs moments à regarder l’activité au trou de vol, sans raison autre que l’admiration, parfois des inquiétudes lorsque quelques abeilles sortent, un peu perdues et sans but : maladies ? ailes atrophiées peut-être ?… mais non, ce n’est rien, les « boutiques » fonctionnent !
Il a fallu aussi préparer la miellerie : linoleum sur le sol, murs couverts par une bâche plastique pour améliorer l’hygiène et la capacité de nettoyage du local, balayage intensif, suppression des toiles d’araignées, nettoyage des tables.
Mon stock de hausses, généreux, m’aurait permis de récolter jusqu’à 100 kg de miel, sur les 3 ruches ! En fait, j’en aurai un peu moins de 40 kg, que je récolterai fin juillet ; un miel assez liquide, d’une belle couleur doré clair, à moins de 17% d’humidité. Pas de difficulté particulière pour la récolte, si ce n’est à la miellerie, un peu plus d’abeilles que ce que je pensais avoir laissé dans les hausses au départ du rucher, et un refus de ces dames de me rendre sans drame une hausse mise à lécher sur le corps de ruche une journée auparavant. J’ai déjà mentionné la performance physique nécessaire pour manier l’extracteur ; surtout lorsqu’on met, comme cela m’est arrivé (ne riez pas !), les cadres à l’envers !
Une semaine après, la mise en pot est un jeu d’enfant, avec ce sentiment si agréable de voir s’écouler, en vagues épaisses, ce miel tant désiré. Pour l’étiquette, ce sera sans couleur, et sans image ; on fera mieux l’an prochain.
Ah oui ! J’ai oublié de vous dire, « mon » premier miel, c’est le meilleur que j’aie jamais goûté, bien entendu !