L’histoire de cette mission commence il y a un an environ par une demande d’évaluation et formation exprimée par un groupe de 6 apiculteurs ou coopératives apicoles auprès de « l’Instituto Nicaragüense de Desarrollo » et de l’EUROCENTRO au Nicaragua.
La question sous-jacente de ce groupe étant de voir comment améliorer la qualité et la quantité de leurs productions apicoles et de mieux les valoriser. Cette demande d’expertise a été ensuite transmise à l’Union Européenne qui a recherché un apiculteur (parlant espagnol) au niveau des associations de « seniors experts bénévoles » comme EuropeAid, le CESES (Confederation of Senior Expert Services) et ECTI en France (association de professionnels seniors bénévoles). Et c’est ainsi que je me suis embarqué début février pour 3 semaines d’apiculture au Nicaragua. Avant de partir, et afin de préparer au mieux ce séjour, j’ai bénéficié largement du savoir faire de la Société Centrale d’Apiculture en matière de formation et plus particulièrement des précieux conseils de Michel Ricard [*] et de la richesse infinie de son ordinateur.
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Le Nicaragua est un des 7 pays qui forment l’Amérique Centrale. Il est situé sur l’isthme qui sépare l’Amérique du Nord de l’Amérique du Sud. Ses richesses naturelles tant du point de vue géographique et climatique que de celui de la flore mellifère, représentent un fort gisement de développement apicole dans un environnement encore très protégé.
Ce pays, peuplé d’un peu plus 5,5 millions d’habitants, s’étend sur environ 130.000 km2. Il peut être partagé en 3 régions géographiques bien distinctes par leur superficie, la répartition de leur population et surtout, pour ce qui intéresse en priorité les apiculteurs, le climat, le relief et la végétation.
En allant de l’ouest vers l’est, on trouve la région pacifique qui représente 20% de la superficie et 60% de la population.
Son relief est peu marqué, mais cette région est remarquable par la présence de deux lacs immenses - les lacs Managua et Nicaragua – qui couvrent plus du 1/3 de sa surface.
Cette région présente en outre de nombreux volcans actifs (et des tremblements de terre fréquents) associés aux violents mouvements des plaques tectoniques de cette partie du globe.
Le climat y est de type tropical sec avec des températures comprises entre 28 et 33°C, une végétation où alternent savanes, garrigues et petites forêts. Les précipitations annuelles peuvent atteindre 1 mètre.
Vient ensuite la région centrale avec 40% de la superficie et un peu moins de 30% de la population. Avec son relief montagneux et volcanique, elle forme une espèce d’épine dorsale séparant les 2 autres régions. Suivant l’étagement on rencontre une végétation de type subtropical sec jusqu’à une forêt tropicale humide avec des précipitations qui peuvent atteindre plus de 2 mètres par an.
Enfin à l’est, la région Caraïbe qui occupe également 40% de la surface du pays mais avec seulement un peu plus de 10% de la population. Le climat y est de type tropical humide avec une forêt dense, des températures élevées et des précipitations comprises entre 2,5 et 5 mètres par an.
Les masses humides arrivent par l’est et sont en partie bloquées par le relief de la région centrale. Il en résulte des pluies beaucoup plus abondantes étalées sur une durée plus longue dans la région Caraïbes. Les deux autres régions présentent également une saison de pluies abondantes (de mai à octobre) suivie d’une saison sèche. Il n’y a donc pas de repos hivernal pour les abeilles comme nous l’observons en Europe avec une forte réduction de l’activité de la colonie, mais plutôt un repos forcé dû aux précipitations, sans que la température ne baisse vraiment. Les colonies restent donc plus fortes que les nôtres d’autant qu’entre les pluies il peut y avoir des éclaircies propices à des sorties.
L’apiculture du Nicaragua présente un certain nombre de caractéristiques qui contrastent sensiblement avec notre pratique européenne.
Ce pays, comme les autres pays d’Amérique, est peuplé de nombreuses abeilles sauvages autochtones dont les fameuses melipones et trigones, petites abeilles sans dard qui produisent un miel très agréable mais en petite quantité. Ce miel est encore récolté car les nicaraguayens lui prêtent des vertus médicinales importantes. Il est vrai que les abeilles (et la consommation de miel) font partie de la culture ancestrale de ce pays au même titre que la grande connaissance des plantes et de leurs vertus curatives.
Don Francisco est un apiculteur de Matagalpa (région centrale) qui possède une cinquantaine de ruches et pratique la transhumance afin de bien profiter des différents climats et floraisons de cette région. Sa femme et lui sont tellement fiers d’être apiculteurs, qu’ils ont appelé leur petite fille de 3 ans environ Honey. Il possède dans sa cour, là où il entrepose son matériel apicole, une ruchette fixée au mur qui contient une colonie d’abeilles sauvages (des trigones sans doute). Ce sont des petites abeilles d’un demi centimètre de longueur environ, au corps jaune doré et à la tête noire. Il prend grand soin de cette petite colonie qu’il considère un peu comme un porte bonheur. Il fait volontiers goûter leur miel qu’il prélève délicatement dans ces cellules en forme de petits greniers arrondis. Le miel que j’ai pu goûter était très fruité, clair et léger comme du miel d’acacia mais avec un peu d’amertume, dû peut-être à la cire qui entoure ces fins greniers. |
L’apiculture s’est développée au cours du 19ème siècle sous l’impulsion de colons allemands « cafeteleros » qui cherchaient à augmenter leur production de café. Aujourd’hui, l’apiculture est pratiquée par environ 1000 apiculteurs, généralement petits agriculteurs possédant quelques ruches qui trouvent dans le miel une production d’appoint à leur activité agricole ou artisanale. C’est le cas par exemple de la coopérative « Dulce Miel » située dans la région pacifique entre Rivas et Mateare. Elle regroupe une cinquantaine d’adhérents, dont bon nombre de femmes, qui possèdent chacun de 1 à 5 ruches. C’est aussi le cas de la coopérative « Apicola del Pacifico » située au nord du pays dans la réserve naturelle du volcan Cosigüina. Cette coopérative a été constituée pour apprendre aux paysans locaux l’apiculture et le respect de l’environnement et les empêcher de pratiquer le brûlage des taillis pour récupérer le miel des essaims sauvages. Il en va de même pour quelques entreprises ou coopératives apicoles de grande taille regroupant plusieurs milliers de ruches. Ainsi l’une des plus remarquables est certainement la coopérative « Miel del Bosque » située à Boaco, dans la région centrale. Elle regroupe 55 apiculteurs qui possèdent plus de 3.500 ruches.
C’est une activité encore très marginale comme le montrent les données récentes (étude du marché apicole réalisée en 2006 en cours de publication) qui font état d’un total de 22.000 ruches réparties entre ces 1000 apiculteurs. La production de miel, quoique modeste est en forte progression depuis 2 ou 3 ans. Elle a dépassé 400 tonnes en 2007 dont les ¾ sont exportés principalement vers le marché européen (Allemagne).
Quelques données économiques* | |
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Revenu annuel par habitant (PIB - 2007) | environ 750 € |
Revenu journalier d’un manoeuvre | 1 à 2 € |
Prix d’une ruche 2 corps | environ 40 € |
Prix d’une ruche 2 corps avec colonie | environ 70 € |
Prix grand public du kg de miel | environ 3 € |
Prix du kg de cire | environ 10 € |
* ces données sont issues des conversations avec les apiculteurs et sont sujet aux approximations dues aux taux de changes entre le Cordoba (la monnaie locale), le dollar américain et l’euro |
Au milieu des années 80 - la fameuse « abeille africanisée » hybride née au Brésil en 1957 du croisement de notre abeille noire (Apis mellifera mellifera) apportée par les colons espagnols et nord américains et une souche de l’abeille africaine (Apis mellifera scutelata ) est arrivée au Nicaragua. Avec son comportement imprévisible et très agressif elle a perturbé considérablement la pratique apicole dans ce pays. Les ruchers se sont éloignés des fermes et des zones habitées et sont le plus souvent placés dans des endroits peu fréquentés, au milieu de la végétation. Les apiculteurs ont également modifié leur pratique pour ne pas avoir à subir de façon trop pénible l’agressivité de cette abeille ainsi
- plusieurs épaisseurs protectrices malgré la chaleur leur permettent d’éviter les piqûres,
- l’emploi d’enfumoirs géants remplis de carton,du bois des villes ruches ou d’herbes séchées permet d’enfumer constamment autour et au dessus de la ruche pour mieux contrôler les abeilles,
- une parfaite connaissance des ruches les plus agressives qui vont être travaillées en fin d’intervention,
- beaucoup d’entre-eux font la levée des hausses et l’extraction du miel la nuit quand les abeilles sont rentrées à la ruche.
Ces abeilles ont aussi la fâcheuse habitude d’accompagner « leurs visiteurs » sur de longues distances. Les apiculteurs respectent toute une procédure pour quitter le rucher en passant au milieu de la végétation, en marquant des arrêts de quelques instants et en utilisant abondamment la fumée afin que les abeilles s’éloignent progressivement, un peu comme les plongeurs qui font des paliers de décompression avant de remonter à la surface.
Les ruches utilisées sont de type Langstroth 10 cadres avec un plateau de fond sans aération posé à même le sol ou sur des divers supports comme des caisses en plastique de boissons gazeuses, ou sur des pieds métalliques. En période de miellée, les ruches ne dépassent pas 2 ou 3 niveaux car les récoltes sont fréquentes. En effet, de nombreux apiculteurs pratiquent une récolte de type cueillette, c’est à dire qu’ils prennent tout le miel disponible (operculé ou non). Ils n’utilisent pas de grille à reine et il n’est pas rare de trouver du couvain à tous les niveaux.
Les colonies sont multipliées soit par division, soit surtout par récupération d’essaims sauvages car l’abeille africanisée a une très forte tendance à essaimer voire à déserter la ruche si les conditions de vie ne lui conviennent pas. Très peu d’apiculteurs pratiquent la sélection ou la production de nuclei pour leur usage personnel ou pour la vente comme c’est le cas à la coopérative « Miel del Bosque » de Boaco.
Quelles sont les perspectives du Nicaragua en matière d’apiculture ?
Il existe actuellement un nouvel élan au niveau du pays pour développer cette activité comme en témoignent le projet du ministère de l’agriculture au travers de l’institut de développement rural. Il consiste à relancer un programme comme celui qui avait été mis en place il y a quelques années pour aider les petits apiculteurs à se former et leur donner quelques ruches pour démarrer leur activité. Des banques, des organismes publics et privés travaillent à la mise en place d’actions spécifiques pour développer le marché national, en particulier en mettant à la disposition des rations individuelles de miel considéré comme un aliment de grande valeur nutritive pour les enfants.
Il n’existe pas vraiment de coordination efficace des apiculteurs au niveau national. En revanche, certaines coopératives développent des programmes de formation et de remise à niveau très dynamiques pour leurs adhérents (biologie et vie sociale de l’abeille, hygiène et traitements, réemplois de la cire sont des exemples que j’ai pu observer). Ces programmes sont mis en place et réalisés avec l’aide des responsables des coopératives et de techniciens qui présentent un bon niveau de connaissances.
En plus du marché national encore limité, quelques entreprises et coopératives ont acquis depuis plusieurs années une solide expérience à l’exportation.
Il existe aussi au Nicaragua un label miel « organica » qui correspond un peu à notre miel bio. (Intercaler photos d’étiquette de miel avec le mot organico, ainsi que sac de café organico…) Il repose sur le fait que seulement 10% du territoire est cultivé, le reste constitué de grandes étendues d’eau, de landes ou de forêts est supposé exempte de produits chimiques (pesticides). Pour autant ce label ne repose sur aucune analyse spécifique. Il est attribué annuellement par un organisme national qui vérifie théoriquement l’emplacement des ruchers et prélève au passage l’équivalent d’un euro par ruche, ce qui, on s’en doute, n’est pas vraiment apprécié des apiculteurs. Mais cette appellation pourrait être développée car elle représente une réalité biologique intéressante. Et le Nicaragua cherche à développer ce label non seulement pour le miel mais aussi pour le café, le cacao et d’autres produits agricoles.
Une autre force du Nicaragua est sans nul doute son exceptionnel potentiel avec plus de 40 familles végétales mellifères identifiées aux floraisons étagées sur 6 mois et plus. Quelques apiculteurs pratiquent d’ailleurs la transhumance avec des succès certains puisqu’ils annoncent des productions annuelles entre 60 et 100 kg de miel par ruche. A cela il faut ajouter la possibilité de faire de miels mono-floraux de qualité aux saveurs inconnues dans nos pays.
Au total, le Nicaragua a de vrais atouts pour augmenter sa production de miel tant en qualité qu’en quantité. L’ambition nationale voudrait décupler le nombre de ruches dans les 10 prochaines années, et rejoindre ainsi les pays qui comptent dans l’univers de l’apiculture mondiale.
Bibliographie sommaire :
- Articles sur l’apiculture et les produits « organicos » parus dans la partie économique de « La Prensa », Nicaragua, février 2008.
- Articles de Gilles Fert dans « Abeilles et Fleurs » 2003