Il n’y a que l’apiculture urbaine pour vous procurer de telles rencontres.
Dans un tout petit coin de campagne parisienne grand comme un timbre poste, niché au fond d’un parc d’agrément apparaît un rucher, entouré de verdure, en partie de vigne, de grands arbres et de pelouses verdoyantes.
On est au mois de mai, le ciel est radieux, le soleil éclatant, on oserait penser que l’air est pur. C’est peut être pour toutes ces raisons que des pensionnaires d’une de ces ruches en profitent pour prendre la poudre d’escampette, tournoyer dans le ciel afin de se faire admirer, et se faire craindre par les badauds qui passent.
Bien entendu ces dames ne trouvent pas d’autre solution que d’aller se percher en haut d’un de ces grands arbres (pin d’Autriche) qui bordent le rucher.
L’essaim formé est de belle taille, mais pose des problèmes de récupération. Heureusement nous sommes deux apiculteurs sur place, si l’un flanche, l’autre le soutient : c’est mieux ainsi.
Afin de récupérer ces fuyardes, nous disposons d’une perche télescopique munie d’une housse ainsi que d’un logement meublé pour accueillir ces dames.
À quelques dizaines de mètres de l’endroit où sont perchées nos émigrantes, allongée sur le tendre gazon, une sorte d’ingénue vêtue du plus strict minimum imposé en ces lieux, offre son corps aux rayons du soleil printanier. Notre devoir impose de ne pas déranger la belle dans sa méditation peut-être réparatrice, donc prudence.
L’opération commence, première tentative de récupération, la housse au bout de la perche se referme sur la grappe, le résultat n’est pas ce que l’on espérait, il est nécessaire de recommencer plusieurs fois afin de décider nos fuyardes d’accepter leur nouveau logis. Quelques badauds s’arrêtent, des appareils photo cliquettent.
C’est alors que la belle endormie s’éveille, intriguée par le remue ménage qui s’effectue auprès d’elle, se positionne sur son séant, le coup tendu, le nez pointé vers le spectacle. Toute ébaubie de voir deux êtres encagoulés, vêtus de blanc et munis d’une perche, qui essayent de décrocher l’imaginaire au sommet d’un arbre.
A ne plus savoir si l’on sort d’un songe ou si l’on pénètre dans un cauchemar ! Finalement la belle s’éveille :
— « Mais !! Mais !! Qu’est que vous faites ?? »
— « On récupère nos abeilles ! » (Pas l’air d’avoir compris).
— « Vos quoi ? »
— « Nos abeilles !! »
— « Ah, mais pourquoi ? »
— « Elles se sont sauvées ! »
— « Mais vous ne pouvez pas faire attention, vous ne pouvez pas les garder ?
Vous êtes en train de torturer ces pauvres animaux c’est honteux de voir cela ! Vous ne pouvez pas les laisser tranquilles, les laisser faire ce qu’elles veulent ! »
(Laisse aller l’ami c’est une valse lente)
— « Vous mériteriez que … ! » Mais là le sermon s’arrête.
Quelques donzelles ailées qui venaient d’effectuer allers et retours entre le support de l’essaim et le gîte offert, ne semblaient plus apprécier la présence humaine. Elles se mirent à tournoyer autour de la belle qui offrait une importante partie de son anatomie dénudée aux dards bien affûtés de ces guerrières.
On vit alors notre jeune mégère s’agiter violemment, tourner en rond, agiter les bras dans tout les sens, la chevelure au vent, prononcer des paroles inaudibles pour finalement prendre à toute vitesse la poudre d’escampette, une serviette de bain d’une main, un sac de plage de l’autre. Elle disparut pour ne plus réapparaître.
Notre belle citadine a-t-elle compris le monde merveilleux de nos abeilles ??
Qui semblaient lui dire : « mêle-toi de ce qui te regarde, ne te mêle pas des problèmes d’autrui. »