Gilbert Prouveur est décédé le 20 février 2015, pour honorer sa mémoire Thierry Duroselle a prononcé cet éloge lors de la cérémonie.
Cher Gilbert, chers amis,
Il y a quelques années je me trouvais en Bretagne, là-bas du côté du Finistère Sud à peu de kilomètres de la mer pour une journée apicole. Une apicultrice membre de notre groupe, m’aborda et me tendit un pot de miel en disant : « c’est pour Gilbert Prouveur ! ». Le message était à la fois affectueux et respectueux. Elle savait tout ce que tu lui avais apporté pour qu’elle puisse développer à son tour son propre rucher et, mieux encore, accueillir au milieu de ses ruches les enfants des écoles alentours. Elle m’expliqua ensuite que vous vous étiez rencontrés lorsque tu vins visiter l’île d’Ouessant pour travailler sur l’abeille noire. En peu de temps notre amie apicultrice avait su capter beaucoup de tes enseignements.
Ce souvenir est un bel exemple de tout le travail discret et passionné que tu as réalisé comme « Cheminot-Apiculteur », de tous ces trésors que tu as laissés aux uns et aux autres.
Gilbert Prouveur a commencé sa vie d’apiculteur il y a environ 75 ans, dans une époque de guerre où la pratique apicole n’était certainement pas aisée. Peut-être que son premier métier d’instituteur l’avait-il poussé dans cette voie comme l’avait fait avant lui le fondateur de la SCA, Henri Hamet ? On sait que, par la suite, il entra pour 34 ans à la SNCF, un vrai cheminot !
C’est dans les années 70 que débuta le foisonnement des activités apicoles de Gilbert. D’abord il prit la peine de se former à l’apiculture itinérante et aux techniques apicoles les plus pointues afin de donner une vraie dimension rationnelle à sa propre pratique.
Il a participé à la création de nombreux ruchers collectifs, mais les nommer tous serait une gageure. Cependant deux au moins sont remarquables :
en 1971, il prolongea l’idée du « Jardin du Cheminot » en obtenant l’implantation du « Rucher du Cheminot » à Saint-Nom la Bretèche. Ce rucher qu’il nomma « le Rucher d’Île d France » dut déménager en 1991 pour s’installer définitivement à Saint-Cloud en 1993.
Dans ce même esprit associatif il créa avec la SCA le rucher du Domaine de Saint-Cloud en 1972. En renouvelant la convention cette année, les deux partenaires ont souligné l’exemplarité de ce rucher où s’allient intelligemment apiculture et jardinage, fleurs et pollinisateurs.
Ces ruchers lui servirent de laboratoires pour développer la sélection d’abeilles. Il voulait pratiquer une apiculture rationnelle et scientifique. Chacun d’entre nous savait sa passion pour l’abeille noire dont il était un fervent partisan et un défenseur actif. Pour travailler sur cette race il mit à contribution nombre d’apiculteurs bénévoles. Il fallait confirmer en permanence la qualité des souches sélectionnées. Le fameux « indice comparant deux nervures de la troisième cellule cubitale de l’aile antérieure » était le critère de sélection. C’est aussi pour cette raison qu’il avait ramené une reine noire de son séjour dans l’île d’Ouessant.
Gilbert avait aussi la passion et le sens de la transmission des savoirs. Ses connaissances et son expérience lui permirent de participer à nombre de congrès, (Congrès des Cheminots), conférences, comités, réunions et cours de formation aux retombées inestimables. Pendant vingt ans il a animé les « Journées d’études apicoles annuelles » dans le cadre du Jardin du Cheminot. Pour des raisons économiques elles durent s’arrêter. L’idée fut reprise par la SCA en 1990 qui en fit sa conférence annuelle dont la prochaine édition aura lieu dans quelques jours. Il a été pendant plusieurs années le conservateur du rucher pédagogique du parc Georges Brassens. A ce titre il a reçu des milliers d’enfants des écoles de Paris pour les initier à la vie des abeilles et à leur rôle irremplaçable de pollinisatrices des fleurs.
Gilbert avait un sens aigu de l’engagement associatif, du partage et de la transmission des connaissances pour que les mouvements auxquels il croyait progressent. Il fut un membre très actif d’association comme « Jardinots » et la SCA qu’il présida pendant deux ans. Mais il avait la volonté que chaque action bénéficie au plus grand nombre, dans la discrétion.
Ami Gilbert, que nous as-tu apporté au cours de toutes ces années ?
Ton amitié bien sûr, ton altruisme, ta modestie et ta passion indéfectible pour les abeilles, les noires en particulier.
Ta vision du rucher collectif au sein du Jardin et de la Ville.
Ton besoin de savoir et de comprendre pour mieux transmettre.
Et bien d’autres choses encore que chacun de nous gardera précieusement, à l’exemple de notre amie apicultrice bretonne.
De tout cela Gilbert, au nom de tous tes amis apiculteurs, je te remercie !
Bon vent à toi sur les mers éternelles !
Merci à France pour ces photos émouvantes.