Société Centrale d’Apiculture

La Société Centrale : une certaine idée de l’apiculture

Gilles Boddaert, Société Centrale d’Apiculture

« On est dans l’utopie. On sème des graines d’idées. » Ainsi parle Gilles Boddaert, le président de la Société Centrale d’Apiculture (SCA), une institution discrète et vénérable qui a fêté, fin septembre, son siècle et demi d’existence.

Elle l’a fait comme il convient pour l’une des plus anciennes sociétés apicoles au monde, en organisant, à l’Orangerie du Sénat, à Paris, une exposition sur le thème de « l’abeille et l’homme. « On a voulu montrer comment l’abeille, par la pollinisation, est un agent essentiel de la biodiversité végétale », résume M. Boddaert, un enseignant à la retraite propriétaire d’une dizaine de ruches dans le Loir-et-Cher.

L’exposition qui, sur fond de champ de tournesol reconstitué, faisait la part belle aux objets liés à l’apiculture a été un succès. En une semaine, dépassant les prévisions les plus optimistes, près de 20000 personnes sont venues la visiter. Quelques privilégiés ont pu repartir avec un pot de miel de Paris.

La SCA est une institution. Née en 1856, elle a, si l’on peut dire, essaimé dans la France entière, créant ici des sociétés apicoles locales, ailleurs des syndicats départementaux… Aujourd’hui, l’ancienne société savante qu’elle était à l’origine s’est transformée en une association forte d’environ 600 membres. Dès l’automne, quelques uns d’entre eux, des passionnés, se retrouvent, le temps d’un week-end, pour écouter des spécialistes éminents discourir sur l’orientation des abeilles ou leur système digestif. D’autres préfèrent hanter la bibliothèque de l’association et sa riche collection d’ouvrages apicoles dont les plus anciens remontent au XVIIe siècle.

Les amateurs ne sont pas oubliés qui, depuis les origines, ont droit à des cours d’initiation et de vulgarisation à l’apiculture. Assuré par des hommes du métier, l’enseignement théorique occupe les premiers mois d’hiver. Mais qu’arrivent les beaux jours et les étudiants, harnachés de blanc comme il convient à la grande joie des passants, migrent vers le rucher installé à deux pas du palais du Sénat. Avec la bénédiction de la Préfecture de police ils s’y rendront régulièrement jusqu’à la récolte du miel (700 kilos en moyenne) au début de l’été. Un examen -facultatif- vient clôturer le cycle d’enseignement. Depuis vingt ans d’autres cours sont dispensés par la SCA au parc Georges Brassens, à Paris, mais ils s’adressent aux élèves des écoles parisiennes.

Les candidats à l’apprentissage de l’apiculture sont de plus en plus nombreux dans la capitale. Une centaine de places ont beau être offertes chaque année, les inscriptions (140 euros pour l’année) sont rapidement closes. Le public ? « Il est divers, explique le président de la SCA. Nous avons des Bobos, des bourgeoises aussi bien que des étudiants et des employés, des actifs, des retraités. »

Aussi encourageant soit-il, l’engouement pour les cours d’initiation ne doit pas masquer l’indifférence qui entoure l’apiculture en France. « L’agriculture intensive est en train de tuer la filière, accuse M.Boddaert. L’homme, dans sa grande prétention, ne considère plus l’abeille comme un agent essentiel de la vie sur terre. Résultat, les apiculteurs vivent difficilement. Leur nombre diminue tandis que les importations de miel augmentent ».

Et le président de la SCA de rêver voir la France imiter le Luxembourg et la Suisse, deux pays où les pouvoirs publics subventionnent généreusement les jachères semées en plantes mellifères. « C’est le jour et la nuit par rapport à ce qui se fait chez nous », constate-t-il.
En attendant des jours meilleurs, M.Boddaert mise sur la petite armée des apiculteurs amateurs passés par la SCA pour maintenir la flamme d’une apiculture éclairée. « Ce sont eux les gardiens du Temple, dit le président de la SCA. Ils devront faire preuve d’une opiniâtreté extraordinaire, mais peut-être reviendra-t-on à la raison grâce à eux ».