Société Centrale d’Apiculture

L’apiculteur - extraits du numéro d’août 1920

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La Société Centrale d’Apiculture est heureuse de vous faire partager quelques extraits du numéro de « l’Apiculteur » paru en août 1920 (n°8 – 64e année) exactement à la date de parution du n° 1 de « l’Abeille de France ». Numéro 1 qui vient d’être commémoré dans le n° 1000 de la revue du mois de mars.

L’apiculteur


date

Ces extraits témoignent du dynamisme de cette Société Savante et de la variété de ses correspondants dans la France entière et au-delà.

Ce numéro des années 20 comportait 50 pages en format 15,7 x 23,8, dont 6 pages de petites annonces, 20 pages de publicité, 20 pages d’articles et 4 pages enfin consacrées à la vie des sociétés françaises d’apiculture.

Couverture

Nous vous proposons tout d’abord un très bref résumé de trois articles de fond.

Sommaire

Le premier décrit l’apiculture en Suède, où l’on apprend que ce pays compte 44 237 apiculteurs pour 125 667 ruches (admirons au passage l’extrême précision de ces chiffres qui vont faire pâlir d’envie nos statisticiens du XXIe siècle). A savoir également que l’on compte 1/3 de ruches à cadres pour 2/3 de ruches en paille.
Le second, « Mon manuscrit » en hommage à un grand apiculteur de l’Aube récemment disparu : Emile Beuve. Grand professionnel (plus de 1000 ruches), pédagogue émérite, fondateur de la Société d’Apiculture de l’Aube, notable en son village et en son département. Cet article, parti d’une série développée sur plusieurs numéros, nous permet d’accéder à la richesse de sa technique apicole personnelle. _
Le troisième, rédigé par l’un des grands noms de l’apiculture française au XXe siècle : Alin Caillas – ingénieur agricole. Il écrit ici le sixième et dernier volet d’une étude sur les falsifications des miels et les nouvelles techniques de laboratoire permettant de les mettre en évidence.

L’apiculture au Parlement.

Enfin, et sans vouloir ignorer les autres auteurs et les comptes rendus relatifs aux activités de plusieurs sociétés d’apiculture en France, nous avons souhaité vous faire partager les propos de M. André Berthon, administrateur de la SCA et député de Paris à l’occasion de la discussion du budget de l’agriculture à l’Assemblée Nationale. Il désirait attirer l’attention du gouvernement sur la marginalisation de l’apiculture. Voici les grandes lignes de son intervention :
Alors qu’il existe des primes à la sériciculture ou à la culture de l’olivier, rien n’est prévu pour l’apiculture. Il s’en suit une pénurie en matières sucrées et une augmentation des importations alors que décroissent sans cesse production et exportations. (N’oublions pas que nous sommes deux ans à peine après la fin de la « Grande Guerre » et son cortège de drames et de privations).
Il faudrait parallèlement développer l’enseignement apicole, soutenir les sociétés d’apiculture comme la SCA dont le rucher pilote au Jardin du Luxembourg est dans un état déplorable faute de moyens.
Pourquoi ne pas envisager un enseignement apicole ambulant comme cela se fait déjà en plusieurs pays. Savez-vous qu’il existe en Allemagne, en Suisse et en Amérique des inspecteurs de la loque alors qu’il n’y a rien de tel en France et que des ruchers entiers peuvent être contaminés sans que l’on puisse espérer une intervention efficace.
Pourquoi ne pas faire connaître, Monsieur le Ministre, les sous-produits du miel. Je pense à l’hydromel que l’on peut transformer en alcool sachant qu’un kilo de miel peut donner environ un litre d’alcool à 50 ou 60°. On pourrait alors utiliser ce sous-produit sous forme d’un carburant intéressant en cas de surproduction de miel. (Bio-carburants, déjà ?).

Savez-vous que le miel n’est pas protégé du tout. J’ai signalé à M. le garde des sceaux, il y a quelques jours, que 300 tonnes de miel artificiel avaient été saisies dans le port de Nantes. Il s’agit de produits qui font une concurrence immorale au miel pur. Des propositions de loi en ce sens ont été déposées à deux reprises et je demande à M. Le ministre de l’Agriculture que ces propositions de loi viennent en discussion dans les délais les plus brefs.La loi interdit le vin artificiel ou le vin de fantaisie, comme elle interdit le beurre de fantaisie, faites en sorte qu’il en soit de même pour le miel.


Le congrès d’Angoulême en novembre 1919 a voté le vœu suivant : «  Le congrès demande que la dénomination « miel » soit exclusivement réservée à la substance que les abeilles produisent en transformant les sucs sucrés recueillis sur les végétaux et qu’elles emmagasinent dans leurs rayons, que la vente des produits sucrés fabriqués soit rigoureusement interdite sous le nom de miel de sucre, miel de fantaisie, mielline ou tout autre nom similaire capable de causer des doutes sur la nature du produit vendu ; que les méthodes règlementaires d’analyses des miels en usage dans les laboratoires officiels de l’État soient mises en harmonie avec les découvertes les plus récentes de la chimie du miel ».

M. André Berthon citait enfin le dernier vœu présenté par le congrès d’Angoulême les 22 & 23 novembre 1919. «  Considérant qu’il y a lieu de ne négliger aucune des branches de l’agriculture, que l’apiculture est susceptible d’apporter un revenu supplémentaire dans chaque ferme, que le miel peut remplacer dans une large mesure le sucre et être en même temps un aliment entièrement assimilable, demande aux pouvoirs publics de s’intéresser d’une façon plus effective au développement de l’apiculture dans toute la France et dans les régions libérées, en particulier, en accordant de larges subventions aux sociétés qui s’occupent des intérêts des apiculteurs français. Je signale, en outre, que les Allemands ont enlevé systématiquement des régions envahies de nombreuses ruches et les ont transportées en Allemagne. Avez-vous songé à les récupérer ? Je suis persuadé que non ! Aussi, dans les régions libérées réclame-t-on des ruches ou des abeilles. Or il n’existe pas d’institution d’État, ni de société qui puisse en nombre suffisant élever des abeilles et les distribuer. Par suite de la négligence dont les services de l’agriculture ont fait preuve depuis de longues années, c’est pour cela que cette branche de l’agriculture est dans le marasme.
Je vous signale cette situation grave, monsieur le ministre. Laissez-moi vous dire, au nom de la Société Centrale d’apiculture, au nom des sociétés d’apiculture de France, que j’attends de vous la parole qui nous permettra d’espérer pour l’année prochaine une situation meilleure
 ».

Réponse du ministre de l’agriculture :

« Je réponds à l’honorable M. Berthon que l’administration de l’agriculture se préoccupe du développement de l’apiculture comme elle se préoccupe de toutes les branches secondaires de l’agriculture. M. Berthon a souligné l’importance de la question d’une façon si heureuse que je n’ai pas à y revenir. Je ferai seulement observer que les questions relatives à l’apiculture figurent dans les programmes de tous les directeurs des services agricoles et de tous les offices départementaux et régionaux d’agriculture. L’application de la loi du 2 août 1918 donnera une activité nouvelle à l’enseignement de l’apiculture. J’appelle l’attention de la Chambre sur la conséquence qui résulte pour l’administration générale des intérêts agricoles, de deux innovations qui jusqu’ici n’ont pas encore eu tout le temps de porter tous leurs fruits : d’une part, le développement des offices départementaux et régionaux d’agriculture, de création toute récente ; d’autre part, l’application qui commence de la loi du 2 août 1918 sur les établissements d’enseignement agricole. Je saisis cette occasion pour signaler que les observations d’ordre général sur tout ce qui a trait à l’intensification de la production agricole, par le développement des données modernes, sont naturellement à leur place dans le budget, mais qu’il est bien nécessaire, pour bien juger la question, de se rendre compte que des organismes nouveaux doivent entrer en application et que c’est seulement dans quelque temps que nous pourrons constater leurs résultats effectifs.

D’ores et déjà, le ministère de l’agriculture donne des subventions aux différentes sociétés et étudie la création de chaires spéciales d’apiculture. Ce n’est évidemment pas suffisant pour combler les désirs des demandeurs, mais, là encore, nous sommes limités par les crédits dont nous disposons.
Sur le dernier point que M. Berthon a abordé, la question de l’étude scientifique de l’apiculture, je suis d’accord avec lui pour reconnaître qu’il y a, dans cet ordre d’idée, un grand effort à faire. Cet effort, je m’en suis préoccupé et dans le projet de loi envoyé dernièrement au ministère des finances et dont j’ai parlé hier, projet qui a pour but la réorganisation et le développement des stations agronomiques, il est prévu une station spéciale pour l’apiculture. J’espère ainsi que les conclusions auxquelles a abouti M. Berthon recevront complète satisfaction ».

Ces lignes étaient-elles prémonitoires de la création de la station apicole de Bures sur Yvette en 1946, soit 26 ans plus tard ? Ou bien ont-elles été suivies d’essais divers de stations éphémères ? Quoi qu’il en soit et si les problèmes posés ne sont plus exactement les mêmes, ces écrits révèlent combien, en tous temps, l’apiculture a bien du mal à exister, à être reconnue et à se faire entendre. Pourrait-on aussi faire quelque parallèle entre certains passages de ce texte et les problèmes qui ont accompagné la naissance de l’ITSAP ?

Michel Ricard